Quels sont les ressorts de l’engagement numérique ?

J’ai toujours été attiré par la question « Pourquoi ça marche ? » avant la question « Comment ça marche ? »

C’était un mardi en fin d’après-midi, il y a environ 4 ans, je participais à une rencontre à Paris sur le thème des « Annuaires d’entreprise et Référentiels ». Une douzaine de Maîtres d’ouvrage y exposaient leurs retours d’expérience en la matière. Durant les exposés, plusieurs des contributeurs témoignaient sincèrement de leurs difficultés à obtenir l’engagement de tous les acteurs (quelques centaines d’utilisateurs) pour nourrir ces Annuaires et ces Référentiels de données.

J’ai alors osé poser une question, même si au fond de moi-même j’avais le sentiment diffus que celle-ci soit peut-être décalée par rapport au thème traité sur les lieux. Je leur ai demandé pourquoi Wikipédia et les réseaux sociaux, chacun sur des terrains très différents, avaient réussi à engager un nombre croissant d’internautes, sans qu’il n’y ait a priori un chef, ni d’ailleurs une méthode de conduite du changement normalisée par un référentiel de certification ?

Innovation : comment les idées qui circulent déclenchent d’autres idées ?
Par exemple pour Wikipédia, il y a, à l’heure où j’écris cet article, « chaque mois près de 480 millions de visiteurs, qui proposent plus de 21 millions d’articles, dans plus de 270 langues », avec des millions de modifications par mois. Nous pourrions faire le même commentaire sur la montée en puissance des réseaux sociaux. Quel est le secret du slogan pour Wikipédia : « le projet d’encyclopédie librement distribuable, que chacun peut améliorer » ? Et que signifie « librement » ? Quels sont ces nouveaux mécanismes de liaison qui engendrent une sorte de « pollinisation » des informations, des sentiments et des idées, au sein d’une économie numérique fondée sur les réseaux ?

En réalité, l’implication des acteurs est un chapitre complexe et seuls les praticiens savent, au contact des réalités du terrain, l’ampleur des difficultés et des problèmes à résoudre. Chaque cas est particulier et respectable. Mais les mêmes praticiens vivent aussi hors de l’entreprise un nouveau phénomène qui s’apparente à celui de la « pollinisation ». En effet cette métaphore avec « La vie des abeilles » me permet d’affirmer qu’au même titre que ces insectes contribuent à la floraison de la nature en transportant le pollen d’arbre en arbre, chaque usager qui fait circuler l’information, la partage et s’engage dans une réciprocité don – contre don, devient un « pollinisateur » qui nourrit « l’innovation collaborative » dans les espaces numériques (blogs, forums, wikis, réseaux sociaux, etc.).

Comment donner un nouvel élan créatif sur le terrain ?
Mais pourquoi s’engage-t-il si facilement en dehors du périmètre de l’entreprise ? Se pourrait-il que les critères qui expliquent cet engagement soient :

  • la camaraderie sur le Net,
  • l’esprit de solidarité tout en restant caché derrière une identité numérique,
  • la fierté d’exister en groupe malgré que l’on est seul,
  • les avantages personnels tirés des liens faibles,
  • l’espoir de se réaliser autrement, d’avoir son mot à dire, d’être promu « champion » de sa communauté ?

Ou bien d’autres critères ?

Nous pouvons alors nous interroger si l’auto-organisation que permettent les espaces numériques ne nous révèle pas de nouveaux leviers de la motivation des acteurs, à la fois libres de penser et d’agir tout en étant invités à mettre en œuvre cette liberté conquise dans le cadre du projet qui réunit une communauté numérique.

Pour mobiliser les utilisateurs dans un cadre professionnel, il devient crucial de s’inspirer de ces mécanismes d’auto-organisation qui fonctionnent si efficacement dans les environnements numériques externes. Cela signifie repenser les méthodes traditionnelles de motivation en entreprise et valoriser la contribution individuelle au sein de la collectivité. En encourageant l’autonomie, la collaboration et la reconnaissance personnelle, les entreprises pourraient permettre à leurs collaborateurs de se sentir investis de manière plus authentique. Dans ce contexte, le rôle du leader évolue : il ne s’agit plus de diriger avec une structure rigide, mais plutôt de créer un espace de confiance où chacun est libre d’apporter ses idées, d’innover et de s’engager pour des objectifs communs. En adaptant ces nouvelles dynamiques, les organisations peuvent espérer libérer un potentiel créatif similaire à celui qui anime les communautés numériques.

Auteur

  • Est un écrivain et spécialiste en technologies numériques, engagé dans la création d’une société numérique plus éthique et durable. Passionné par l’impact des nouvelles technologies sur la société, il explore les thèmes de l’inclusion, de la protection de la vie privée, et de l’innovation responsable pour encourager un futur numérique équilibré.